L’écriture, dans un espace de temps limité, favorise l’expression spontanée. Aucune retenue, le jaillissement fulgurant de pensées, déclarations, révélations. Des mots fluides, alignés.

Un cadre, celui du temps, de la page, celui d’un thème. Un cadre pour libérer et explorer dans les moindres recoins. Changer d’angle de vue, de perspective et créer la confidence de ce qui n’était pas connu, reconnu, su. Dans un temps, forcément limité, je précise, focalise mon énergie sur le choix d’un rythme, d’une mélodie, de sons, de mots et phrasés qui percutent et bousculent ma réalité.
Le temps limité est le ring sur lequel se rencontrent fantasmes et évidences. Un jeu, une danse, où les feintes laissent la place à la surprise d’un uppercut déstabilisant les fausses croyances, les certitudes s’effacent et les perspectives apparaissent.
Dans le temps limité, chaque geste est compté, la sobriété d’un essentiel pour aller droit au but, au coeur de ce qui est, sans artifice. Comme un jet, l’expulsion d’un trait d’humeur, d’un poids. La spontanéité d’une délivrance, comme un cri, un hurlement. Dans la contrainte du temps, je laisse l’urgence s’exprimer.
Une mise à distance instantanée, sans blocage, sans cogitation assourdissante, sans jugement non plus.
Et puis vient le temps de lecture, du partage, de l’écoute. Ecouter l’autre, s’écouter. Lire et se lire. Vient le temps du recul, reprendre son souffle. Comme un soupir d’aise, groggy par la percussion des cadences, du rythme de la mélodie, celle qui chantait à l’intérieur depuis si longtemps.
Alors parfois, ce qui était évident, unique dans la spontanéité de l’écriture, fait l’objet d’un jugement, d’un sarcasme. Comme un repli sur soi, un déni de fertilité, de créativité. Ce que j’ai écrit devient objet de haine, dans le style d’abord. « Jamais suffisant, jamais à la hauteur. Toujours ridicule. »
Un regard cassant, souvent, où le fond disparaît sous l’implacable censure de la forme. Je suis le pire censeur de mon propre génie.
Le groupe veille. Vigilance totale. Et féconde bienveillance. Le style n’est que fioriture. Le groupe favorise l’écoute respectueuse et m’oblige à plonger en moi. Pour de bon. Révolution.
Et puis écouter l’autre, vraiment, dans sa vulnérabilité, sa puissance, sa différence, ses murmures et silences. Se laisser entraîner, se laisser encourager… se lancer. Le fond, le fond, le fond… Et faire ce premier pas, traverser sa peur, son rejet. Les transcender, les transmuter et décaler sa perception, créer de nouvelles émotions. Dans un temps limité, accueillir ce que je produis pour en puiser toute l’essence, le retour à l’équilibre.
L’art d’écrire précède la pensée – Alain
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